[ Du côté des lecteurs / Assis ]
PAR JEAN-CLAUDE BOURGUIGNON (UNIVERSITAIRE, ÉCRIVAIN & POTACHE)
Faut-il lire Assis debout ?
Faut-il lire Assis debout sur ses pieds, sur sa tête, sur ses mains ?
Sur un seul pied ? Sur une seule main ?
En rampant ? Roulé en boule ?
Faut-il ne surtout pas lire Assis assis ?
La question est d’importance
Elle importe à ce que l’on doit à Assis
À leurs acteurs, danseurs, à leur écrivain, à l’écrivain de Assis
Qui en ont vu de toutes les couleurs,
De toutes les couleurs de l’assise et de la non assise qui n’est pas forcément le debout
Oui comment faut-il lire Assis ?
Il y va de ce que l’on est soi-même quand on lit Assis
Oui qui est-on quand on lit Assis ?
De qui on est quand on lit Assis dépendra peut-être dépendra sûrement
La manière de lire Assis
Assis ? Debout ? Assis debout ? Debout assis ?
Quelle place dans Assis à celui qui lit Assis ?
Ils y ont pensé, les acteurs-danseurs-écriveurs de Assis
À celui qui lit Assis ? À celle aussi bien qui lit Assis ?
Je ne dis pas le lecteur la lectrice de Assis
Parce que justement je ne sais pas je me demande
Est-elle est-il bien une lectrice un lecteur celle celui qui lit Assis ?
C’est une question de tremblement
De tremblement de l’assise du lecteur de la lectrice
Comme dirais-je de son assise ontologique
Devant Assis le lecteur la lectrice sont saisis dans leur fondement
Leur cul de lecture si j’osais
Alors on y revient
Qui est-on quand on lit Assis ?
Oh j’ai bien une idée
Une idée de l’idée de ceux qui ont fait Assis le livre
De nous tirer le siège de dessous nos fesses de lecteurs et de lectrices
De nous priver de fondement
De nous mettre le postérieur sens dessus-dessous
Mais je me répète qui suis-je moi qui lis Assis
À qui l’on retire ainsi mon séant ?
C’est qu’on ne me déloge pas si vite – de céans
Je veux tenir ma place moi aussi
Savoir au moins laquelle on me fait
Où suis-je qui suis-je dans ce jeu de regards et de miroirs ?
Un écrivain observe des danseurs dansant un peuple d’assis
Un écrivain apprend à regarder des danseurs apprenant à danser un peuple d’assis
Un écrivain fait un livre où il raconte
Comment il regarde des danseurs apprenant à danser un peuple d’assis
Apprenant quelquefois lui aussi – à ses risques et périls – à danser-s’asseoir avec eux
Alors moi le supposé lecteur ?
Regardeur moi aussi ? Danseur moi aussi ? Écrivain moi aussi ?
Apprenant à m’asseoir sans assise, à écrire sans mots, à danser sans savoir ?
Aspiré par la fiction ethnographique d’un peuple qui aurait passé trop de temps assis ?
Rejoignant la tribu des spectateurs-avec des néo-spectateurs des spectateurs de la non-danse ?
Chassant à mon tout l’écrivain chasseur traquant à mon tour l’écrivain traqueur ?
Va savoir
Va savoir qui est le lecteur d’Assis
Va savoir
Va savoir comment lire Assis