Joël Kérouanton
  • Écrivain
  • Atelier Écrire dans la ville
Esther Laurent-Baroux est plasticienne et étudiante aux Beaux-arts de Cergy-Pontoise. Elle participe aux activités du « labo littérature » et se propose, dans cet article, de mettre en réflexion les filiations, la forme et les enjeux des productions littéraires issues du LIVRE IMAGINAIRE.


EXTRAIT D’UN COURRIEL D’ESTHER LAURENT-BAROUX, À L’INTENTION DE JOËL KÉROUANTON – 4 AOÛT 2016.

(…) Je n’ai pas participé à toutes les expériences publiques du LIVRE IMAGINAIRE, notamment  la dernière au Théâtre de la Ruche en juin 2016. Et c’est peut-être parce que je n’y étais pas que je me permets, ici, d’en donner un point de vue élargi.

Très vite j’ai eu le réflexe d’aller relire la critique de La Contradiction (1ère rencontre du LIVRE IMAGINAIRE au Vent se Lève ! en 2014). Et j’avais en tête aussi la rencontre sur Skype [restitution en cours d’écriture]. Parce qu’en fait je trouve qu’il y a beaucoup de similitudes entre ces différentes critiques-rencontres :

– la filiation qui vient très vite (auteur houellebecquien, thèmes Beckettiens..)

– une histoire de mère très présente

– des questions entre fiction et vie réelle

– un alcoolisme réccurent

– des problématiques d’écriture que tu connais bien comme l’autofiction, ou le réemploi

Après il y a quelque chose qui marche bien je trouve, quand tu donnes à l’auteur un passé, une réputation. Tu en fais un phénomène médiatique, et ça le fait exister de manière forte (« Contrairement à sa réputation, Lefranc n’esquivera pas. »)

En fait, en lisant cette critique là et la précédente, je me dis que bien sûr, il y a la critique en elle-même qui est intéressante, mais surtout, j’ai l’impression que tu donnes beaucoup de place et d’importance à la rencontre (« Rencontrer Lefranc, c’est rencontrer l’absence. »), qui vient nourrir la critique. Je lis pas beaucoup de critiques littéraires, mais j’ai pas l’impression qu’elles rendent souvent compte d’une rencontre avec un public. Voilà je te dis ça, mais j’en tire aucune conclusion.

Il y a autre chose que j’aime bien, et qui marche pour les deux critiques que tu as déjà écrites, c’est ce balancement entre des phrases très sérieuses-poétiques, et des moments d’esclaffe totale (genre ce passage : « Cet écrivain raisonne dans l’immensité du vide qui compose nos vies. Un spectateur de la Ruche affirmera, sans rire, que « Dogo devrait être remboursé par la Sécurité Sociale, tant ce livre maintient le lecteur debout. » » ou aussi, dans la contradiction, le moment où tu racontes avec le plus grand sérieux que l’auteur s’immerge dans sa piscine de lettres). C’est drôle et ça dresse des personnages et une rencontre hauts en couleurs.

Et en même temps, ça encre les textes dans un registre un peu fantasque, pas complètement réaliste. Bon, en même temps c’est à propos d’un livre imaginaire.

Sur la filiation ensuite. Ces critiques sont parcourues de beaucoup de grands auteurs (Beckett, Houellebecq, Céline, Artaud… D’ailleurs je sais pas pour Beckett, mais les trois derniers sont des personnages publics hauts en couleurs, controversés…. Tiens, on pourrait rajouter Genêt.). C’est comme si il y avait un arbre généalogique de ces critiques qui commençait à se dresser. Je sais pas dans quelle mesure c’est toi ou le public qui invoque ces figures (en fait je pense que c’est plus toi), mais il y a quelque chose d’intéressant avec cette foule fantômes qui commence à grossir et à hanter les textes.

J’aimais beaucoup dans la critique précédente [La contradiction] les moments dialogués, et je trouve que ça manque un peu dans celle-ci. Il y a des paroles rapportées, qui sont pas mal aussi, mais les dialogues apportent plus de légèreté (peut-être qu’elle est un peu longue).

(…)